Loi Bertrand : obligation de publier les contrats d’essais cliniques… quel impact sur la confidentialité ?

A l’heure actuelle, les textes d’application de de l’article 2 de la loi « Bertrand » n°2011-2012 du 29 décembre 2011 sont toujours en attente de publication, retardant ainsi l’entrée en vigueur du dispositif « transparence ».

Les informations relatives aux contrats d’essai clinique devront être rendues publiques en application de ce texte, à l’instar de nombreux autres contrats conclus par les fabricants de produits de santé.

En pratique, le promoteur d’essai clinique devra publier sur son site internet (i) l’identité du promoteur et du cocontractant (Investigateur, Association, CRO, Centre hospitalier…), (ii) l’objet catégoriel du contrat (ex : contrat d’essai clinique), et (iii) la date de signature du contrat.

La question se pose de savoir si la publication de ces données, en application de la loi Bertrand, serait de nature à divulguer certaines informations que le promoteur pouvait jusqu’à présent garder confidentielles.

A première vue, on pourrait penser que cette obligation n’emporterait pas de véritable changement puisque l’article L.1121-15 du Code de la santé publique donnait déjà compétence à l’AFSSAPS, devenue ANSM, de publier sur le répertoire des essais cliniques accessible sur son site internet, les informations relatives aux recherches biomédicales en cours.

Les informations diffusées sur le répertoire des essais cliniques sont même plus larges que celles soumises à la loi Bertrand, dans la mesure où elles concernent le médicament expérimental, la maladie étudiée, le nombre et l’âge des personnes inclues dans la recherche, ainsi que l’identité du promoteur.

L’article L.1121-15 du Code de la santé publique laisse néanmoins la possibilité aux promoteurs de s’opposer à ce que leurs études soient publiées sur le répertoire des essais cliniques, « pour des motifs légitimes » tenant à la confidentialité des activités de recherches et développement jugées sensibles (ex : étude de phase I dans l’indication de maladie orpheline).

Force est de constater que cette dérogation n’est pas prévue par les dispositions issues de la loi Bertrand, et que les promoteurs ne pourront donc pas se soustraire à leur obligation de publication des conventions d’essais clinique pour des raisons tenant à la protection du secret industriel et commercial.

A cela, il convient d’ajouter que la loi Bertrand apporte une nouveauté par rapport  au dispositif du répertoire des essais cliniques, en ce qu’elle exige que soit publiée l’identité du cocontractant, et donc en l’occurrence, celle de l’investigateur, d’une association, d’un établissement de santé, d’une CRO, ou de toute autre société de logistique.

Or divulguer l’identité d’un investigateur n’est pas toujours sans conséquences lorsque le médecin est réputé et spécialisé dans l’étude de maladies rares et orphelines. La seule publication de son nom, associée à celui du promoteur, pourrait donc être de nature à révéler l’objet des nouvelles études cliniques initiées par ce dernier.

On peut donc légitimement s’interroger sur les conséquences pratiques qui découleront de l’obligation de publication des contrats d’essais cliniques en phases 0 et I de produits expérimentaux innovants.

Certains promoteurs tenteront d’aménager leurs contrats de manière à ce que l’investigateur ne soit pas directement partie au contrat pour éviter que son identité soit divulguée.

D’autres opteront peut être pour la délocalisation de leur conventions auprès de filiales ou sociétés sœurs  implantées en dehors du territoire français, pour échapper au champ d’application de la loi.

Le projet de circulaire et le LEEM indiquent en effet que l’obligation de publication serait strictement limitée aux entreprises implantées et exerçant leur activité sur le territoire français.

Ainsi, seules les conventions dont au moins deux des parties cocontractantes sont implantées sur le territoire français devraient faire l’objet d’une publication.

Seraient donc exclues de cette obligation, les conventions conclues, par exemple, entre une filiale étrangère et un professionnel de santé exerçant son activité en France.

Si d’apparence l’obligation de publication de la loi Bertrand n’apporte pas de contraintes supplémentaires pour les promoteurs d’essais cliniques, elle risque néanmoins de poser quelques difficultés quant à la confidentialité souhaitée de certaines données.

Marie-Amélie Eudeline

Partager cet article